Patrouille Des Glaciers
- kyrilwittouck
- 21 janv. 2022
- 6 min de lecture

La Patrouille Des Glaciers
Il est 3h du matin, le réveil sonne, je me réveille d’un bond et me tourne vers Kyril, Lui aussi est tout à fait réveillé et prêt à affronter l’épreuve qui nous attend aujourd’hui, la Patrouille Des Glaciers !
Cela fait depuis janvier que l’on s’entraîne pour cette épreuve mythique: 2000 mètres de dénivelé positif sur 26 kilomètres.
La veille, nous sommes arrivés au village d’Evolène par bus postal vers midi. Après un rapide déjeuner au soleil, Pierrot nous a rejoint pour effectuer ensemble le contrôle du matériel. Chacun de nos ustensiles est scrupuleusement inspecté par les militaires suisses afin de s’assurer que ceux-ci remplissent bien les conditions requises. Piolets, pelles, chaussures, corde, ski, tout y passe.
Après avoir obtenu les fameux tampons attestant de la conformité de notre matériel, nous nous rendons à la pension d’Evolène où se trouve les chambres qui nous ont été attribuées.
Arrivés sur place nous sommes agréablement surpris de constater que nous avons une chambre toute mignonne pour nous deux avec salle de bains attenante.
Le reste de l’après-midi se passe dans un mélange de repos et d’excitation sachant ce qui nous attend le lendemain. Vers 17h nous prenons le bus pour nous rendre à Arolla, où nous attend notre diner du soir (oui oui à 17h45) ainsi que les dernières recommandations et discours des différents responsables.
Sous la tente montée pour l’occasion, je suis happée par la solennité des discours et après avoir entendu pour la xième fois que cette épreuve est la course par équipe la plus dure du monde, je me prend à penser que je suis réellement sur le point d’accomplir quelque chose d’exceptionnel (alors que bon, faut pas exagérer non plus).
Le diner fini, nous reprenons le bus et rentrons nous coucher vers 21h pour être en forme pour le lendemain.
Jour J
Nous sommes donc de retour à ce fameux matin (très matinal) du 18 avril 2018, après un rapide check-up nous prenons le bus pour nous rendre à Arolla où notre petit déjeuner nous attend. Sous la tente l’effervescence est palpable et je me sens tout à fait à ma place au milieu de tous ces collants-pipettes qui ont tous l’air beaucoup plus professionnel que moi (la suite de l’histoire me montrera que ce n’est pas qu’une impression). Je suis excitée comme une puce et il me tarde d’être sur la ligne du départ.
Vers 5h15, nous nous dirigeons vers la ligne de départ pour passer le dernier contrôle matériel. C’est à ski que l’on passera ce check-point qui consistera uniquement à vérifier que nos ARVA sont bien branchés.
Arrivés à la ligne de départ, on va avec Pierrot voir l’état de la neige et celui-ci me conseille de mettre mes couteaux pour débuter la course.
Nous nous replaçons derrière la ligne de départ et effectuons quelques exercices d’échauffement et d’étirement.
La musique, la nuit, les équipes de la grande patrouille qui arrivent au compte-goutte avec leurs lampes frontales, tous ces éléments donnent une atmosphère particulière et super motivante, j’en suis presque émue (en réalité j’en suis complètement émue).
5h57 s’affiche, une musique d’Enya s’enclenche et tous les patrouilleurs ont les yeux rivés sur le chrono, lorsque 6h sonne tout le monde s’élance dans un grand cri de joie.
Col de Tséna Riefen – 2952m
Pierrot impose le rythme et veille à ce que pris par l’excitation nous ne partions pas en trombe. Je perds très vite un de mes deux couteaux mais celui qui me reste est suffisant pour augmenter mon adhésion à la neige verglacée. La première heure est euphorique, nous avançons à un bon rythme et j’ai le sentiment que je pourrai le maintenir jusqu’au bout.
On passe le premier palier des 820 mètres en 1h40 (celui qui me faisait si peur durant l’entraînement) avec 25 minutes d’avances, je me sens pousser des ailes.
Ensuite, nous attaquons un portage pour lequel Pierrot me donne ses skis super léger et porte les miens. La montée est assez raide mais s’effectue relativement facilement. Arrivés en haut, nous attaquons la descente à l’ombre, la neige est bonne pour une fin de saison et c’est un vrai plaisir de se sentir avancer sans effort.

Pas du chat- La Barma 2458 m
En bas du col nous rechaussons nos peaux pour la longue traversée le long du lac. Nous sommes perpétuellement sur le versant gauche et bien que peu éprouvante physiquement je sens que me capacités commencent à diminuer.
Nous arrivons à la Barma, qui est le lieu du ravitaillement vers 9H 40 (une heure avant la limite) et cette pause me fait beaucoup de bien, j’ai le sentiment qu’à nouveau j’ai de l’énergie à revendre. Avant de repartir Pierrot nous dis que la montée qui nous attend avant la Rosablanche est magnifique et qu’il faut bien en profiter. J’apprendrai par la suite que c’est un passage qu’il déteste mais qu’il ne veut pas me démoraliser.
La Barma- Rosablanche 3160 m
Nous commençons la montée avec un bon rythme et dépassons plusieurs grands patrouilleurs (cela se voit à leur numéro d’équipe inférieur à 1000). Pendant un long moment nous montons au même rythme qu’une patrouille de trois et en regardant l’heure je me dis que si l’on continue comme ça on atteindra notre objectif de clore la course en moins de 7h.
Malheureusement, peu à peu je ressent mon souffle qui commence à me lâcher et de manière similaire à l’entrainement que l’on avait fait avec Pierrot j’ai le souffle court qui se « bloque » par moment comme si j’avais de l’asthme, je me force à me calmer car le stress bien entendu n’arrange rien. Le groupe de trois que nous suivions nous devance ainsi que plusieurs autres groupe ce qui a aussi pour effet de me miner un peu le moral.
Arriver au début du dernier portage pour atteindre la Rosablanche, je suis crevée mais surtout mon mental ne suit plus. Avant d’entamer le portage, Pierrot propose de porter mes skis et les siens mais je refuse car j'ai l’impression de tricher et je préfère perdre quelques minutes mais pouvoir dire que j’ai fait l’entièreté de la course dans les règles de l'art. Mon côté femme forte et indépendante comme dirait Kyril.
La montée commence et il est au début très agréable de changer de mouvement, je ressent un regain d’énergie. Ce regain ne sera que de courte durée car le reste de la montée est très pénible.
Arrivée aux dernières marches de l’escalier je me rend compte qu’un deuxième escalier nous attend sur la gauche alors que je pensais qu’on arrivait à la fin. Je lâche un "putain" retentissant! Pour mon côté self-control on repassera.
Heureusement le deuxième escalier et plus court et moins raide et l’arrivée à la Rosablanche se fait sous les encouragements des personnes poster au sommet, ce qui me donne un regain de courage. Arrivée en haut l’émotion me submerge, je suis tellement heureuse! Assez naïvement je pense qu'on en a fini des montées. Les gens autour nous encouragent et nous félicitent, on nous propose du chocolat et de l’eau, l’ambiance est vraiment génial. Il faut pourtant bien vite repartir car nous ne somme pas encore arrivé.
Rosablanche- Col de la Chaux 2940m
Après une trop courte descente, je remets les peaux pour quelques mètres de faux-plat. Kyril, quant à lui traverse cette partie à la force de ses bras.
Nous redescendons un peu et croisons l’ex beau-frère de Pierrot qui nous donne de l’eau c’est extrêmenet bienvenue vu que ni Kyril ni moi n’avons encore de l’eau. Pour atteindre le col de la Chaux nous longeons de nouveau une sorte de faux-plat sur un versant gauche.
Mon moral n’est vraiment plus au beau fixe, j’ai mal au genoux et je me focalise sur cette douleur et ne parvient pas à trouver les ressources suffisantes en moi pour accélérer le pas.
Heureusement Kyril est là pour m’encourager et me soutenir jusqu’au bout !
Arrivés au dernier petit portage, Pierrot prend mes skis et se met directement à monter avec ses skis sur le dos, ça ne me dérange pas pour être honnête. Lorsque je commence à monter un groupe de trois filles voyant bien que je ne suis pas en top conditions, se mettent à me scander des encouragement ce qui me donne la force nécessaire pour gravir aisément ces quelques marches. Comme quoi tous est dans le mental !
Col de la chaux- Verbier 1520m
La descente ensuite sur Gentiane sur la chaux est jouissive ! Arrivés en dessous du restaurant le Dahu, une dernière épreuve nous attend puisque le chemin n’est pas pentu, il faut donc pousser sur ces bâtons, heureusement pour moi que Pierrot et Kyril sont là et chacun à son tour me pousse ou me tire pour me donner de l’élan.
Arrivée sous les Ruinettes, je suis super heureuse et de nouveau un peu émue, sensible que je suis.
La descente se fait de nouveau de manière très fluide et un énorme sourire me colle aux lèvres.
Arrivée à Médran, Vio se rue sur nous suivie de Tanguy, Anraud et mon papa. Ils nous ont tous suivis sur l’application et les voir tellement heureux et impliqués pour nous me fait trop plaisir. On part au pas de course vers la ligne d’arrivée mais on est vite refrénés par Pierrot puisque celle-ci est encore loin. 50 mètres avant la ligne on se met à courir et on entend le commentateur citer nos noms et notre nom d’équipe, les Dark Moules à notre arrivée. Quelle sensation géniale !
En conclusion, je suis trop contente d’avoir fait cette expérience, de manière complètement inattendue et je n’ai qu’une envie c’est de le refaire pour améliorer mon temps et parvenir à garder le moral jusqu’au bout.

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